Biographie
Benoit Lange est né en 1965 à Morgins, en Suisse, dans une famille de modestes artisans. Ses parents n’ont jamais vraiment voyagé et, la première fois qu’ils prirent l’avion, ce fut grâce à leur fils qui les emmena à Calcutta.
Après une enfance paisible et heureuse dans les montagnes du Valais, il a suivi durant 6 années plusieurs formations aux métiers de la bouche : boulanger, pâtissier, cuisinier et diététicien . Son chemin professionnel devait se poursuivre vers une formation à l’école hôtelière de Lausanne .
Avant de débuter cette formation, il prit une année sabbatique pour faire le tour du monde. Sa rencontre avec le docteur Jack Preger a changé son destin. Il devint un photographe humaniste et engagé pour témoigner et soutenir le travail du médecin des rues. N’ayant jamais cherché à devenir un professionnel, c’est initialement dans une intention de témoignage qu’il composa son travail dès ses premières prises de vues.
Imprégné tout entier de la ville incroyable qu’est Calcutta, il fut comme aimanté par la cité, empêché même de continuer sa route . "Cette mégapole, je l'ai parcourue dans tous les sens, me nourrissant tout autant de sa beauté que de ses souffrances. Riant et pleurant avec elle sur son humanité brisée, espérant qu’un jour elle revivrait de ses cendres. Je l’ai aimée autant que détestée. Aujourd’hui encore elle me fait chavirer ."
On me demande souvent à quel moment de ma carrière j'ai opté pour la photographie noir-blanc ainsi que le pourquoi de ce choix.
Je précise que lors de mon deuxième voyage à Calcutta, encore loin de penser devenir un jour photographe professionnel, j'étais équipé en tout et pour tout d'un Nikon FM2, de 5 films couleurs et de 5 films noir-blanc.
La mission que je m’étais attribuée alors était de prendre des photographies de la vie à la clinique du Dr Jack Preger.
A mes yeux, c’était le meilleur moyen de témoigner de l'extraordinaire travail du médecin des rues,
ainsi que de la réalité humaine, faite de combats et d’espoir, des patients de Middleton Row.
Découvert en gagnant le premier prix au concours des journées professionnelles de Arles, je suis devenu un photographe noir-blanc qui n’a eu de cesse d’exposer et d'éditer des livres dans le seul but de soutenir les projets de Calcutta Rescue.
Après avoir travaillé quelque temps avec l’agence Gamma, j'ai dû me rendre à l’évidence que mon travail était trop lent pour alimenter une démarche d’agence: il y manquait l’actualité, le sensationnel. Je retournai des dizaines de fois au Bengale, puis en Éthiopie, au Burkina pour connaître et comprendre au mieux mes sujets photographiques avant de les immortaliser .
Pour les besoins de mes engagements, je réalisai pour la télévision 3 documentaires sur le médecin des rues.
Durant toute son existence, le médecin anglais refusa à tous son autorisation de le filmer. Mais à force d’obstination et d’amitié, après 25 ans à ses côtés , Benoit Lange j'ai obtenu sa confiance et son aval pour réaliser le seul long métrage sur sa vie : Dr Jack.
Aujourd’hui plus que jamais Benoit Lange travaille la photographie en proximité directe dans des reportages difficiles et engagés.
Même si Calcutta a été le déclencheur de mon travail, finalement c'est comme si je m’étais fondu dès ce moment dans une approche de l’humain qui allait me combler.
La proximité de corps est toujours de mise. Pour être dans l’image avec mon sujet, je tiens l’appareil sur ma poitrine afin de permettre à nos regards de rester dans la lumière de l’échange. En effet, je ne porte jamais d’appareil photo en bandoulière, c’est par une dragonne au poignet que je manie l’appareil, ainsi il semble être une prolongation de ma main.
Lorsque je marche dans les rues, ou sur les chemins, il n’y a alors pas d’obstacle technologique à la rencontre.
Aujourd’hui plus que jamais je travaille la photographie en proximité directe dans des reportages difficiles et engagés.
L’engagement photographique
Dans un monde si déséquilibré où bonheurs et richesses sont si mal répartis, nous jouons tous notre rôle et avons notre part de responsabilité. Pour le photographe engagé, si l’on veut vivre heureux dans l’hémisphère nord on ne peut vivre dans l’oubli du sud. Les photographes, au même titre que les artistes, ont un rôle -souvent même un premier rôle - à jouer. La photographie est vecteur d’émotions et de compassion.
Mon choix d’éviter la photographie misérabiliste qui appelle forcément à la pitié, a pour but premier de rétablir l’être humain dans sa dignité et son droit au bonheur. Des gestes aussi simples que de se mettre à la hauteur du sujet en portant son appareil en poitrine, de lui accorder son regard et son temps vont totalement dans ce sens. Lorsque le droit à l’image, à témoigner, rencontre le droit à la personne, il n’est pas toujours évident de faire se rencontrer ces deux démarches essentielles. Alors dans ces cas-là je me pose toujours la même question: est ce que mon sujet se sentirait trahi s'il se voyait dans la photo que je viens de prendre?
Où s’arrête l’intrusion autorisée dans l’intime, voir l’intime souffrance ? Durant les années passées dans les cliniques de rue j’ai régulièrement été confronté à des choix, des appréciations éthiques pour trancher : geste photographique ou non ? Suis-je autorisé à faire la photographie dans ce que le sujet me laisse voir à cet instant ? Mon droit est-il cautionné par sa seule confiance en moi ?
Lorsque je parle d’immersion humaine et photographique je passe obligatoirement par l’étape de la proximité. L’intimité qui permet de recevoir les instants qui sont offerts.
On ne triche pas sans zoom, on est nu devant son sujet.
J’ai choisi la photographie non pas comme un but mais comme le moyen de raconter l’émotion et l’espoir. Mes photos sont les témoignages de milliers d’échanges. Si elles méritent d’être montrées, elles veulent avant tout témoigner.